Allongée sur ce qu'on pouvait appeler un lit. Une nouvelle journée débutait et elle s'annonçait déjà bien longue. En croisant les doigts qu'il n'y aurait pas de rôdeurs au rendez-vous mais, impossible de le savoir à l'avance. Pour cela, il faudrait rester enfermé à Grimsby et vivre de l'ennui. Réveillée par les premiers rayons du soleil, comme tous les jours depuis plusieurs mois. Seule dans cette pièce offerte par les créateurs de la ville fortifiée. Aucun désir de posséder une colocataire car je préférais pleurer sans personne pour me voir, souffrir en silence. Dans mon ancienne vie, j'aurais discuté de mes malheurs à ma grand-mère ou encore à Jonah. Cependant, ces deux personnes n'existaient plus pour moi. Le jeune homme n'avait plus d'importance dans ma vie depuis ce jour où il avait décidé de partir sans dire un mot. Me laisser dans cette galère pour qu'il puisse rebondir de son côté. Tous les membres de ma famille avait péri à cause de l'épidémie ou du moins, j'imaginais ce scénario puisqu'ils ne se trouvaient plus à Waltham quand j'ai souhaité prendre de leurs nouvelles. Mes parents n'ont jamais été des battants alors, leur perte me semblait évident et ma grand-mère.. Trop vieille pour rester debout plus de dix minutes, il ne fallait pas être un devin pour comprendre la suite. Au moins, je n'avais pas assisté à ces scènes insupportables pour une fille aimante. Certes, voir mon fils mourir devant mes yeux demeurait la pire image ancrée dans mes esprits. Une mère ne devrait jamais vivre quand son enfant s'éteint. Imaginer ses pleurs pour annoncer le réveil, voilà ce qu'aurait dû être mes matinées. Embrasser ses joues roses et contempler ses beaux yeux bleus. Coiffer ses petits cheveux blonds alors qu'il ne se rendait pas compte que sa mère était trop envahissante. Jack se trouvait toujours dans les bois, quelque part pas si loin d'ici. Deux jours de marche mais, jamais je retournerai dans cette zone. Incapable de l'imaginer comme ces monstres. Je n'avais pas eu le courage de le tuer définitivement car ce n'était qu'un bambin.. Jeremiah s'était porté volontaire mais ce fut un refus de ma part. Il ne savait même pas marcher. Comment pouvait-il être dangereux ? J'ai sûrement été égoïste mais agir était plus compliqué.. Se changer les idées et ne plus penser à cet événement, un but très difficile et pourtant il demeurait obligatoire. La vie allait être très courte alors, autant savourer les derniers instants. Rendre visite à Wyatt pour essayer d'apaiser son incroyable sens de la communication ? Pourquoi pas. Cela me ferait sortir un peu de cette petite ville cachée du monde extérieur. Ma nuisette remplacée par un jean et un débardeur, j'installai mon pistolet dans ma poche arrière au cas où je ferai une mauvaise rencontre. Le rituel des crèmes et du maquillage dès le matin avait bien disparu et ce n'était pas plus mal. Au magasin, les vendeuses devaient être convenables mais, ici l'apparence restait secondaire. Les deux rues semblaient être déserte à cette heure. Les habitants continuaient à dormir ou soit ils se préparaient en essayant de deviner les occupations de la journée. Les miennes étaient simples : Wyatt pour le matin et l'après-midi j'irai sûrement m'occuper des enfants. Je marchais sur un pas un peu plus précipité qu'à la normale car je ne désirais pas apercevoir un habitant me demandant de l'aide pour une tâche future. Les personnes qui gardaient un œil sur la muraille Est scrutaient l'horizon sans vraiment porter une attention particulière à la rue. D'un côté, le plus dangereux venait de l'extérieur, surtout si tout le monde se réveillait paisiblement dans les habitations. Je rasai un petit mur en bois qui m'invitait par la suite à monter les escaliers destinés pour la garde. Malheureusement, il fallait escalader la muraille pour se trouver dehors et il n'y avait aucune autre issue pour sortir de la ville. Un petit chat ne serait pas aussi discret ! Pas de raccrochage ou encore ni maladresse de ma part. Un dernier regard vers le garde le plus proche mais, la nuit ne devait lui être favorable il semblerait ! Première jambe passée et ensuite la deuxième sans problème. Enfin assise, il ne restait qu'à sauter pour être libre quelques heures. Cependant, je n'eus même pas le temps de souffler une dernière fois avant le saut, qu'une personne m'attrapa de force par la taille. « Non laissez-moi ! » J'essayais de me débattre mais rien à faire, l'homme était plus fort que moi. Il me posa vite sur le sol et en me retournant, je reconnus immédiatement le visage parfait de Jonah. Une chance sur combien pour que ce soit lui qui me prenne en flagrant délit ? Je restais assise, à le contempler tout en montrant un visage bien colérique pour son geste. « Va surveiller les feuilles là-bas, elles auront peut-être besoin de toi. » Dis-je tout bas en montrant du doigt la forêt. Il ne s'était pas occupé de moi quand j'en avais vraiment besoin alors, qu'il aille voir si ses collègues avaient envie qu'il les aide. Certes, Jonah était venu à mon secours une fois pendant un raid mais, ce n'était rien par rapport à avant. Tant de questions qui me restaient sans réponse. Tellement envie de ne plus le voir car il me faisait penser à Jack. Lui dire à quel point il était magnifique.. Je me contredisais oui, et alors ?

Je restais parterre en écoutant à moitié ses petites remarques très instructives au bout de dix mois dans ce cauchemar sans fin. C'est bien vrai que monsieur commercial au chômage devait connaître tout sur le monde ! Il faudrait alors rester coincé dans cette prison dorée pendant tout le reste de sa vie ? Ne plus apercevoir les autres qui vivaient en dehors de cette dernière ? Quelle merveilleuse fin d'existence.. Autant se suicider tout de suite. Ne pas lui répondre, comme depuis son arrivée à Grimsby. Rester muette car il ne méritait pas une seule parole de ma part. Quand il fit une pause dans sa morale quotidienne, je croisais les bras et mon regard ne s’intéressait qu'au sol. Il ne fallait pas le regarder car cela faisait trop mal. Son visage m'avait été indispensable durant plusieurs mois et je l'avais ensuite retrouvé en Jack. Cependant, le petit bonhomme ne se trouvait plus près de moi pour m'amener cette sérénité. Ce don de pouvoir démontrer qu'un être avait la possibilité de garantir une importance capitale. Je perdais tout ceux que j'aimais alors, autant continuer seule et ne plus s'attacher. Il reprit son discours mais, cette fois-ci je me levai pour qu'il puisse entendre parfaitement ma réponse car prendre les proches comme exemple restait très petit de sa part. « Ma famille a été déçue sur beaucoup avant ce truc alors ça ne serait pas le début ! Tais-toi si c'est pour dire des choses de ce genre. » Je parlais évidemment de la grossesse non voulue. Annoncer à une famille très stricte sur les traditions qu'un enfant allait arriver sans que le géniteur soit présent pour épauler, la déception des Carlton, voilà le mot. Ne pas entendre les commérages dans la petite commune et ne se concentrer que sur le travail. Vivre dans l'ombre durant neuf mois et même après la naissance du bébé. Mes parents aimaient beaucoup Jack mais, il y avait une certaine réticence envers lui et cela dura jusqu'au jour où il fallait quitter le quartier. « Tu n'es pas mon père à ce que je sache alors, je fais ce que je veux. » Continuai-je sur ma lancée, toujours à voix basse pour ne pas attirer l'attention des gardes ou des habitants trop curieux. J'avais déballé en deux secondes, plus de mots qu'un mois et demi depuis son arrivée. Son premier jour à la ville, pas un seul regard malgré quelques joies camouflées de le savoir vivant. Ensuite, peut-être un remerciement pendant un raid mais, rien de plus. « Occupe-toi de la sécurité des autres, ils sont plus importants. » Son regard exacerbé m'agaçait à un point.. Il fallait que je change de vue. Je m'adossai sur le mur, au même endroit où j'avais eu la volonté de sauter il y avait quelques secondes mais en fixant cette fois-ci la rue. Cet endroit éphémère qui allait de toute manière tomber un jour.