La nuit était tombée rapidement. Trop rapidement à mon goût. Je détestais l'obscurité. Lorsque j'étais enfant il avait longtemps fallu laisser une veilleuse pour réussir à m'endormir. L'obscurité avait quelque chose d'effrayant. Pourtant, ce jour-là j'étais trop fatiguée pour y penser. La journée avait été longue et éprouvante. J'avais travaillé aux côtés des blessés et je n'avais pas ménagé mes efforts. Je me sentais bien. J'en profitais donc à cent à l'heure. La prochaine rechute allait être brutale. Je le sentais déjà au fond de moi. Je m'étais donc blottie sans trop tarder dans les couvertures, et m'étais laissée emportée vers le pays des rêves. Là-bas tout était tellement plus simple. Je pouvais me laisser aller. Beaucoup à Grimsby souffraient d'insomnie. Ils avaient vu trop d'horreur pour pouvoir dormir à point fermé et se sentais continuellement en danger. Pas moi. Je savais que Castiel veillait sur moi.

Je fus réveillée en sursaut. Il faisait encore nuit mais on pouvait voir les signes annonciateurs de l'aurore au loin. Je passais ma main sur mon front. J'étais pleine de sueur. Un cauchemars certainement. J'avais peur, j'étais terrifiée mais je n'avais pas le moindre idée de la raison de cette sensation. Je me levais sans un bruit et m'approchais de mon frère. Je me lovais contre lui comme une gamine apeurée. C'était une présence rassurante mais pas suffisante pour que je puisse à nouveau trouver le sommeil. De toute façon, bientôt nous allions avoir le feu vert de sortir et de vaquer à nouveau à nos occupations, de continuer à survivre dans une monde de fou. Chaque petit moment de bonheur était bon à prendre, chaque occasion de sourire ne devait être loupé. A mon avis il n'y avait que ça qui nous empêchait de sombrer dans une folie meurtrière et destructrice. Nous avions tous vu la mort de près, trop près... Et perdu des membres de nos familles, nos amis... Ce petit moment durait depuis quelques minutes déjà, que j'entendis quelqu'un tambourinait à la porte et puis une voix féminine s'élevait. Je me levais d'un seul bond et me dirigeais rapidement vers la fenêtre et y passais ma tête: _" Change de disque Romy ! La fin du monde c'est démodée !" Dans la famille nous avons toujours eu un sens de l'humour très particulier et pas forcément de mauvais goût. Romy était notre cousine. Nous étions proches même si par le passé nous n'avions pas la chance de nous voir très souvent.

Je me pressais vers la porte et luttais quelques secondes avec la serrure rouillée. Je me demandais pourquoi inlassablement je m'obstinais à fermer entièrement notre habitation à la nuit venu. C'était presque un rituel. Peut-être qu'un jour ca nous sauvera la vie. J'ouvrais la porte avec une certaine impatience. Je reprenais mon calme et m'appuyais contre cette dernière en prenant un air sérieux et supérieur : _" Oui ? Que puis-je faire pour vous jeune demoiselle ?" Un grand sourire s'afficha sur mes lèvres. La bonne humeur était mon maître mot. Et soudain comme un éclair de génie je me rendis compte de la tenue que je portais, elle se limitait à un long t-shirt délavé et sans beaucoup de forme, laissant apparaître mes jambes... Je rougis d'un seul coup en croisant le regard d'un garde qui passait par là. _"Entre ! Dépêche!"

Vous voulez souhaiter une bonne journée aux personnes qui assurent la sécurité de Grimsby ? Quoi de mieux que de sortir en petite tenue sur le perron ? Je piquais déjà un fard et obligeais en quelque sorte ma cousine à rentrer rapidement à l'intérieur. Une fois la porte fermée je poussais un long soupire. La honte. Oui malgré les temps difficiles, c'était encore un sentiment assez commun. Je passais ma main dans mes cheveux avant d'afficher un léger sourire complice et amusé à Romy. Je levais les yeux au ciel en entendant mon frère et lui tirais la langue :  _"Quel grand frère attentionné ! Mais sache que ce n'est pas ma faute ! Elle vient toujours trop tôt le matin et puis je n'ai que ça à me mettre ! Faudrait peut-être que tu m’emmènes faire du shopping !" Ca n'avait rien d'ironique, juste une bonne petite touche d'humour. Je n'avais jamais été une folle du shopping. Peu m'importait de mettre cent fois la même chose, et puis à l'heure actuelle, si je pouvais manger quelque chose chaque jour je n'en demandais pas plus. J'en étais même très heureuse. C'était simplement tellement plaisant de taquiner Castiel ! Il est tellement contracté depuis que c'est arrivé ! Il a perdu son "faste" d'antan. Il avait des soucis et des responsabilités. Je voulais l'aider à s'en défaire, du moins à faire ma part du travail mais personne ne me laissait faire alors je tentais de me rendre utile ailleurs. J'aurais aimé proposer à Romy quelque chose à manger mais il n'y avait plus rien. Les placards de bois humides et branlants de notre cuisine, étaient désespérément vide. Ma formidable cousine décide d'en rajouter une petite touche sur le garde. Elle voulait être la cause de ride sur le visage de mon aîné ou quoi ? Ou alors était-ce le moyen de détourner la question sur son jumeau ? Peu importe. Je jouais le jeu, désireuse de garder cette ambiance décontractée. _" Je pense y aller en sous-vêtement ! Histoire que tout le monde en profite ! " Je pris place autour de la table. L'atmosphère change et devient plus sérieuse. Il prit la parole. Je croisais le regard de Romy. Elle s'affole. La suite tombe. Aurore est de retour. On peut lire sur mon visage que je tombe des nu alors qu'elle s'enflamme. Ce n'est pas le genre d'information qu'on garde pour soit ! Sa femme est vivante et de retour ! Je ne pus m'empêcher de laisser un petit cri de surprise s'échapper ! J'étais prête à sauter partout, à le secouer... _" Non c'est vrai? " lançais-je un grand sourire sur les lèvres. Pourtant quelque chose n'allait pas. Mon coeur fit un bond dans ma poitrine. Ah non il n'allait pas nous faire le coup du "mais elle ne va pas bien du tout" ou je ne sais pas. Un sombre pré-sentiment. Je le connaissais trop bien.Si tout allait bien il n'aurait pas passé la nuit, et m'aurait viré de la chambre avec douceur et délicatesse bien entendu. Nous avions cru la perdre définitivement et il balançait ça comme ça. Mais pour le moment il fallait contenir la jeune Hastings. Je la grondais comme on le faisait pour un enfant : _" Romy ! " Je lui fis signe de se calmer attirant son attention sur le principal concerné.   _" Et elle va bien ? " S'il n'y avait rien et qu'il avait simplement décidé de nous l'annoncer comme ça, ça allait barder pour son matricule.