Tu es barge. C'est ce que tu te dis, mais tu t'en fous. En fait, c'est même parce que tu es barge que tu y vas alors tu fais avec. Tu t'habilles en noir, tellement persuadée que c'est la tenue la plus adaptée à la situation et tu prépares quelques affaires de survie dans un petit sac à dos qui ne gênera pas tes mouvements. Tu attaches ta dague sur le côté de ta hanche et tu glisses ton flingue dans ta ceinture, à l'arrière de ton jean. Tu vas dans la salle de bain et tu t'observes quelques instants, allant même jusqu'à hésiter sur ta décision.. Mais non. Tu ne changeras pas d'avis. Tu dois y aller, tu le dois. Vous voulez savoir pourquoi ? Lisez bien la suite alors. Il y a plusieurs raisons. La première étant que depuis l'invasion des rôdeurs, tu es persuadée que tu ne mérites pas plus que ça de vivre, alors pour tester cette théorie, il faut se mettre en danger.. Logique ! Si durant ton escapade de cette nuit, tu ne meurs pas, alors il est logique que tu as encore le droit de vivre un peu. Deuxième raison. Tu n'en peux plus de rester dans cette ville tout le temps, tu as tellement été habituée à bouger que rester sédentaire te rends dingue, ce qui accentues peut-être ton désir de tester ton droit à la vie.. Bref. Il y a une troisième raison, certainement encore plus débile que les deux précédentes, bien que toi tu ne les trouves pas si débiles que ça. Donc, la troisième étant l'espoir débile de retrouver le photographe avec qui tu étais lors de la première attaque de zombies que tu as vécu. Vous avouerez que c'est encore plus improbable que le reste, mais passons. Tu as trois raisons fondamentales qui te poussent à sortir de l'enceinte si sereine de Grimsby.

Une heure plus tard. Tu es dehors ! Enfin ! Oui, ça t'as pris une heure parce qu'il faut éviter les rondes et également trouver un endroit où passer.. Surtout lorsque celui par lequel tu es passé la dernière fois et si bien réparé que tu ne peux pas réemprunter ce chemin. Tu commences à t'éloigner rapidement de Grimsby pour pas que les prochains gardes ne puissent te repérer. Tu avances dans un quasi-silence. Tu es plutôt naturellement douée pour ça, il faut dire que pour espionner ton agent de presse ou même ton manager pour éviter qu'ils te plantent des poignards dans le dos, il fallait être vachement silencieuse et savoir se faire petite.. Comme quoi, espionner les gens n'est pas qu'un point négatif ! A quelques mètres de toi, tu entends un craquement. Ton pouls s'accélère soudainement, tu as peur, mais même si tu testes ton droit de vivre, tu ne mourras pas sans te battre, sans te défendre. Tu attrape ta dague et tu te mets en position de combat. Tu es prête. Sauf que la chose qui avançait vers toi et que tu avais reconnu comme être un zombie est tombée sans que tu comprennes tout de suite pourquoi. Il te faut quelques secondes pour capter et comprendre que l'autre chose qui se tenait derrière la première était en fait une femme. Une femme aux cheveux clairs mais dans l'obscurité tu ne saurais dire si elle est blonde ou rousse. Alors tu restes plantée là alors qu'elle se baisse pour essuyer sa lame sur le corps enfin inanimé du rôdeur.

« Lily ! » Dahlia se releva brusquement dans son lit de fortune. Elle était essoufflée et en sueur, comme si elle venait de courir pendant des heures sous un soleil de plomb. Elle venait de hurler le prénom de sa fille et elle était sûre que tous les nomades du camp l'avaient entendue. Ils avaient l'habitude et bizarrement, ils n'avaient jamais osé demander qui était cette fameuse Lily. La plupart des nomades avaient perdu quelqu'un de cher et cela tombait sous le sens que Lily était quelqu'un qui avait énormément compté pour la jeune femme. Ils ne voulaient sans doute pas remuer le couteau dans la plaie ... Elle s'assit dans son lit. Elle savait qu'elle ne retrouverait pas le sommeil, que sa nuit était fini. Toutes les nuits ou presque, elle revivait la nuit où Lily, sa fille, se faisait sauvagement dévorer devant ses yeux par une horde de rôdeurs. Dahlia s'en était sortie après avoir vidé tout son chargeur et planté une quinzaine de fois son couteau dans les crânes en décomposition de ses assaillants. Elle se tourna, attrapa son pantalon, son t-shirt et ses bottes, les enfila et sortit de la tente. Dehors, tout était calme et faiblement éclairé par la lune qui surplombait le ciel d'encre. Jared et Tania montaient la garde cette nuit-là. Ils la saluèrent discrètement, sans doute embarrassés de l'avoir entendue crier quelques minutes plus tôt, quand elle passa devant eux pour s'enfoncer dans la forêt.

Dahlia ne distinguait presque rien, juste les grandes et larges silhouettes des arbres. Elle ne se fiait pratiquement qu'à son ouïe fine et son odorat. La lune ne parvenait pas à percer l'épais feuillage de la forêt, très dangereuse et cela, que ce soit en pleine nuit comme en plein jour. On ne devait jamais s'y aventurer seul mais Dahlia avait su faire ses preuves et on ne l'embêtait plus avec ça. Elle marchait depuis déjà plus d'une demi-heure quand elle aperçut, non loin d'elle, une personne. Au départ, elle pensait que c'était un rôdeur mais cela marchait beaucoup trop rapidement pour en être un et il n'y avait pas d'odeur nauséabonde. L'individu en question était fin et se déplaçait gracieusement. La jeune femme en conclut que c'était une femme. Dahlia allait rebrousser chemin quand elle entendit des grognements et des gémissements proches d'elle. Elle s'accroupit immédiatement et regarda autour d'elle. Un rôdeur, juste en face. Il ne l'avait pas vue mais par contre, il avait remarqué la jeune inconnue. Discrètement, Dahlia le contourna et quand elle fut juste derrière lui, lui creva le crâne avec son cran d'arrêt. Il y eut un craquement et le mort s'effondra, inerte. Les deux jeunes femmes se fixèrent en silence. Elle était ni grande, ni petite, fine et devait être brune. C'est tout ce qu'elle pouvait distinguer. Dahlia n'avait pas envie de discuter ce soir. Son cauchemar l'avait toute retournée et elle ne se sentait pas prête à parler avec qui que ce soit. Elle tourna donc le dos à la jeune inconnue et commença à partir lentement, sans se retourner.