" Je reviens au plus vite, " lança-t-il à l'aveuglette à l'un d'entre eux. Ce n'était pas une invitation à le suivre. Ce n'était pas une indication à lui répondre. Il prévenait juste de son absence, pour ne pas les inquiéter ou les alerter. Et pour leur signifier également qu'il avait par conséquent besoin de se retrouver seul. Certes, de nos jours se retrouver seul était une erreur. Une monumentale erreur même, mais il se savait suffisamment préparé pour affronter un quelconque mort-vivant. Une centaine ? Peut-être pas. Mais cela ne l'effrayait pas. Il avait besoin d'être seul. De réfléchir. De se retrouver avec lui-même. Et bon sang, il n'avait pas besoin de l'expliquer à qui que ce soit.

" Jake... je peux te demander un service, " lui demanda Gina. Il allait souffler, comme pour exprimer son exaspération. Mais il décida de se montrer courtois. Fermant les yeux quelques secondes, il se retourna vers la jeune femme et attendit qu'elle lui "demande quelque chose". " J'ai juste besoin de deux ou trois trucs - je ne te le demanderais pas si ce n'était pas important. " Et elle lui tendit un morceau de papier. Il hésita quelques secondes, mais après réflexion il devait bien admettre que Gina ne le dérangeait jamais. Ne lui demandait jamais rien. Ne l'emmerdait jamais. Et qu'elle ne s'imposait jamais sauf si besoin. Il prit le morceau de papier et le plaça dans sa poche arrière en jean. Un signe de tête, comme pour dire "je m'en occupe" et il se détourna. Il n'y avait jamais besoin de s'étaler avec Jake.

***

Se retrouver encerclés de morts-vivants, ce n'était pas un problème. Pas concrètement. Il trouvait toujours une solution, sinon il n'aurait jamais pu survivre aussi longtemps. Il n'avait pas fait la guerre à proprement parler, mais c'était tout comme lorsqu'on faisait partie d'un gang. Mais il détestait être encerclé de morts-vivants avec quelqu'un d'autre. Il détestait cela, car il ne pouvait jamais - voire rarement - s'empêcher d'aider. En râlant. En rouspétant. En criant. En jurant. Mais il aidait. Et même si la zone commerciale était l'endroit idéal pour récupérer le nécessaire à la survie - entre nourriture pas encore avariée, soins médicaux et il en passait - c'était également l'endroit idéal pour tomber sur les morts. La discrétion était obligatoire. Sauf quand on se retrouve nez-à-nez avec une jeune femme sans que ni l'un ni l'autre ne s'y attendent. Et que l'une crie, pendant que l'autre jure intensément. Là, on réveillerait un mort.

" Bordel de merde, " jura-t-il une fois de plus tandis qu'il battait en retraite dans l'épicerie qu'il venait de quitter. Les grognements se faisaient déjà entendre et il n'y en avait pas qu'un. " Vous attendez quoi ? Entrez ! " cria-t-il, énervé. " Parfait, putain de parfait ! Qu'est-ce que vous foutiez là, bon sang ?! " Il était agacé et irrité. Peu importait qu'il soit mal poli, bourru ou vulgaire. Il n'avait rien contre la jeune femme, excepté le fait qu'ils venaient d'être repérés et que sortir allait être délicat.

T'as besoin de clopes. Et même d'alcool. T'as demandé l'autorisation de sortir, et ils ont voulus te fourguer quelqu'un avec toi. Alors qu'est-ce que t'as fais ? Tu l'as semé, parce que franchement tu ne voulais pas de lui dans tes pattes. Oh oui, tu vas te faire taper sur les doigts en rentrant, mais comme toujours tu t'en fous. Ce genre de choses ne t'atteint pas, ne t'atteint plus. Tu te fiches bien de savoir si un jour ils finiront par te faire virer de Grimsby.. Si ça arrive tant pis, tu ne vas pas les pleurer. Ou peut-être que si, quelques uns auxquels tu commences à t'attacher. Tu ne sais pas trop pourquoi. S'attacher était déjà dangereux avant, mais alors maintenant.. Bref, tu chasses ces pensées de ton esprit pour te concentrer sur ta tâche : trouver ce dont tu as besoin, et ce sans te faire dévorer par un rôdeur. Enfin, ça serait largement plus cool quoi. T'avances lentement, ta progression est souvent ralentie par des obstacles de taille comme une dizaine de morts par-ci ou une vingtaine par-là alors tu dois faire des tours et des détours. Tu sais bien qu'une faute et tu risques ta vie. Tu le sais autant que les autres mais la différence est que tu accordes moins de valeur à ta vie qu'eux. Alors quelque part, si tu meurs, c'est que tu devais mourir, point. On va pas en faire un drame sinon que devrais-tu dire de tous ces morts-vivants qui peuplent maintenant la planète ?

Tu tournes au coin d'un magasin, celui que tu vises plus précisément, et là BAM ! Nez à nez avec un mec et tu ne sais pas comment c'est possible mais un cri s'échappe de tes lèvres. D'habitude tu n'aurais pas  agit comme ça, mais la nuit que tu as passé, les souvenirs qui étaient remontés à cette occasion, les pleurs incontrôlables.. Tout ça t'avait mis les nerfs en pelote, alors comme une vraie conne, t'as crié. Bordel de merde. Mais ce qu'il disait ne t'intéressait pas le moins du monde, parce que déjà tu entendais déjà des râlent qui s'approchaient. Ouais, border de merde. Vous attendez quoi ? Entrez ! Tu reprends tes esprits, que tu avais perdu ne comprenant pas comment t'avais pu être aussi stupide. A croire que tu avais provoqué le sort, car ce serait un excellent test pour voir si tu méritais de vivre.. Seulement d'habitude tu sortais seule pour éviter de risquer la vie d'autres personnes, et là tu venais de risquer la vie de ce type que tu ne connaissais absolument pas. Alors tu recules, tu fermes la portes et surtout tu commences à mettre un meuble devant pour maintenir la porte fermée, même si cela n'allait certainement pas tenir longtemps. Le plus important ensuite, sortir son flingue et retirer le cran d'arrêt. Parfait, putain de parfait ! Qu'est-ce que vous foutiez là, bon sang ?! Sauf qu'on ne te parle pas comme ça, tu n'es pas le genre à te laisser faire lorsqu'on t’agresse. Ok, tu l'as mis en danger mais quand même. Pas besoin de gueuler et d'en rameuter plus, imbécile ! Je suis là certainement pour la même chose que vous, ramener quelque chose au bercail. Tu utilises un ton suffisant, hautain comme tu sais si bien le faire et tu es droite comme un piquet, te sentant supérieure. Tu fais par contre attention à ne plus gueuler, tu n'es pas folle. Pas complètement. Argh ! Cette voix dans ta tête, t'as envie de lui dire de se taire mais tu ne peux pas, tu n'es pas seule. Du coin de l'oeil tu vois une portes au fond, certainement celle du bureau du cadre de l'épicerie, et comme la porte d'entrée ne résistera peut-être pas longtemps, tu commences à reculer légèrement.  

Imbécile ? Imbécile ? Elle venait de le traiter d'imbécile. Quelques secondes, il resta figé. Muet. Comme estomaqué. Personne, jamais personne, ne s'était osé à le traiter de quoi que ce soit. Surtout pas d'imbécile. Il fut une époque où, le premier qui s'y serait aventuré aurait perdu la vie. Aujourd'hui, il s'était repenti. Mais cela n'empêchait pas son sang de ne faire qu'un tour lorsqu'on le cherchait de trop près. Ou qu'on l'emmerdait royalement. Mais à cet instant, il n'avait pas le temps de la secouer ou de se montrer impulsif. Aujourd'hui, il n'y avait pas que cette jeune femme qui venait de rameuter tout une meute de morts-vivants. Il y avait "eux". Et eux, il fallait bien l'admettre, était un problème bien plus pressant et important que les propos de la jeune femme. " Ça nous fait une belle jambe maintenant, " grogna-t-il pour la forme. Il avait eu le temps de ramasser quelques "trucs", mais rien qui ne puisse suffire à long terme. Le centre était en ruine, depuis certainement un bon bout de temps. Il analysa assez rapidement la situation et comprit qu'il n'y avait pas d'autre choix que de se réfugier sur le toit - si cela était possible.

" Montez ! " finit-il par crier, ouvrant la porte qui menait à l'endroit le plus sûr, selon lui. Il se sentait capable d'affronter une horde de zombies. Il se sentait capable de pouvoir tous les descendre, un par un sans même trop se fatiguer. Mais il ne s'en sentait pas capable avec elle à ses côtés. " A moins que vous ne désiriez les attendre sagement ? " continua-t-il l'observant pendant quelques secondes, qui lui semblèrent durer des minutes, avant qu'elle ne réagisse. Il barricada la porte du mieux qu'il le put, avec les moyens du bord - ce qui n'était rien d'autre qu'une chaise bloquée entre les escaliers et la poignée. Il lui semblait possible que les morts ne puissent pas passer - l'endroit étant trop étroit pour qu'ils s'y jettent tous ensemble dessus. Mais il n'en était néanmoins pas certain ...

" J'imagine qu'il n'y a plus qu'à attendre maintenant, " finit-il par dire, une fois sur le toit du centre - en ruine lui aussi. On avait l'impression qu'à tout moment, le sol se déroberait sous leurs yeux et qu'ils plongeraient droit dans la bouche de l'enfer. Et pour la première fois en plusieurs années, il appréhendait la mort.

Sorry, c'est court et désolée du temps :)