« MAIS VOUS SAVEZ, ON PEUT TROUVER DU BONHEUR DANS LES ENDROITS LES PLUS SOMBRES. IL SUFFIT DE SE SOUVENIR D'ALLUMER LA LUMIERE »

A huit ans, Solveig était ce petit bout d'enfant adorable, doux, gentille, tendre et plein de malice. Une sucette dans la bouche, ses grands yeux qui tentent de découvrir le monde. Sa main était glissée dans celle de sa mère, qui marchait, bien droite, digne et fière comme elle l'avait toujours été. Depuis peu, la petite tête brune était toute contente. Son père était tout le temps à la maison. Sa mère lui disait que c'était parce qu'il n'avait plus de travail. Et quand elle disait ça, elle semblait triste, et l'enfant ne comprenait pas pourquoi, c'était trop cool d'avoir ses parents à la maison ! Et si ça devait signifier ne pas avoir d'argent, Solveig s'en moquait bien. Elle ne voulait pas de la barbie que toutes ses copines à l'école avaient, elle ne voulait pas de ces belles robes qu'elle voyait dans les vitrines des magasins. La télévision ? A quoi ça sert quand on peut gagner de l'argent en la vendant ? De nombreux sacrifices pour une enfant de son âge. Et bien qu'elle ne sache pas encore très bien ce que ça pouvait bien signifier, elle les faisait, avec un large sourire aux lèvres. D'ailleurs, ses parents en étaient heureux, et c'était pour ça qu'elle avait eu le droit à une sucette aujourd'hui. A la fraise d'ailleurs, sa préférée ! Comment n'aurait-elle pas pu en être contente hein ?

Sauf que voilà qu'elles passèrent devant une boutique de poupées, et celle dans la vitrine, elle est magnifique. Les yeux ronds, les mains qui se posèrent sur la vitrine. Un soupir s'échappa de sa bouche. Sa mère ayant senti sa main quitter la sienne, se retourna aussitôt, inquiète bien sûr. Que pouvait-il bien être en train de se passer hein ? Sauf que voilà, Martha, car tel est son nom, finit par se retourner et son regard se posa sur sa fille, la chair de sa chair, en train de regarder cette vitrine, cette poupée qui lui faisait tant envie. Et la jeune mère n'était pas du genre à aimer lorsque sa fille ne pouvait pas avoir ce qu'elle voulait. Elle posa une main sur sa bouche, attristée, et voilà qu'elle se mit à pleurer devant cette enfant qui ne pouvait pas avoir ce qu'elle voulait, cette enfant qui, adorable, ne demandait jamais rien mais qui restait une gosse, une fille qui pouvait vouloir quelques trucs. Quoi de pire, pour une mère, de ne pas pouvoir acheter un cadeau à son enfant ? Mais que pouvait bien faire la jeune mère hein ? Rien bien sûr, puisque sa seul possibilité était de garder le peu d'argent qu'ils avaient. La mari qui avait perdu son emploi, était la seule source de revenue. Et de ce fait, ils avaient tout perdu. Une succession de difficultés avaient permis à cette jeune famille de sombrer, encore et encore. Et maintenant, une simple promenade dans la rue devenait compliquée, devant les yeux innocents de Solveig. Impossible de lui cacher la difficulté du monde. Et difficile pour une mère de voir son enfant grandir, et perdre son enfance sans même avoir réellement eu l'occasion de la connaître. Les larmes continuaient de couler sur le visage de cette mère de famille qui ne pouvait rien faire de plus que d'attraper la main de sa fille pour l'inviter à s'en aller. La petite tourna la tête vers sa mère, et ne comprit pas ses larmes. « Bah alors, pourquoi tu pleures maman ? ». Sa mère tenta de sourire, mais il était impossible de faire autre chose qu'une grimace, bien qu'elle essaya malgré tout, bien entendu. Mais ça ne voulais pas dire que ça allait le faire hein. Quoi que l'on puisse bien en dire, de toute évidence. « Elle est jolie cette poupée hein ma chérie ? ». Sa mère ne savait même pas pourquoi elle continuait sur le sujet. Elle se faisait bien plus de mal qu'autre chose. Mais l'enfant avait compris, finalement, elle avait fini par comprendre pourquoi elle lui disait ça, pourquoi elle lui parlait de cette façon et pourquoi elle pleurait. Alors l'enfant haussa les épaules, un large sourire sur les lèvres. « Bof, elle a un gros nez ». Et ça permis à sa mère de sourire, de se dire que peut être qu'avec Solveig, les choses ne se passeraient pas aussi mal que prévu, pas aussi mal qu'on pourrait le vouloir.

Elles finirent pas continuer le bout de chemin qu'elles avaient fait, dans le but de trouver un emploi, au final. Puisque Martha savait qu'elle n'avait pas d'autre choix. Mais au moins, la jeune femme savait, elle savait que malgré toutes les difficultés de la vie, malgré tout ce qui pouvait bien être arrivée, sa fille continuerait à être sa lumière, et c'était bien ça le plus important, au final. C'était cette enfant oui. Et elle voulait tout faire pour que sa fille ne perde jamais son sourire.

« CE N'ETAIT PAS INEVITABLE, CES EPREUVES ONT TREMPES NOS AMES, ET DANS L'EPREUVE, NOUS NOUS SOMMES DEPASSES.. »

Allongée dans son lit, j'ai la tête qui tourne, je ne comprends plus rien. Le rencontrer a sans doute été la pire chose qu'il m'ait été possible de faire. Mes parents me détestent, ils me fuient, à cause de ce que j'ai pu devenir, doucement. Ils me haïssent, parce que je ne suis plus la petite fille modèle qu'ils ont eu. J'ai dix-huit ans, j'ai grandi, sans doute avec les mauvaises personnes et j'ai fini par craquer, par totalement craquer, en plus de ça, mais je n'ai pas pu m'en empêcher, parce que je trouvais cette solution beaucoup plus simple. Je finis par quitter ce lit, j'aimerais fuir, mais je sais que de toute façon, je serais de retour beaucoup trop vite. Si je suis ici c'est avant tout parce que j'ai besoin de cet homme. Parce que je suis tombée sous les dérives de ce qu'il vend et que lorsque je m'éloigne trop, je suis en manque. La pire connerie que j'ai pu faire se trouve ici, là, tout autour de moi. J'avais besoin d'argent, ma famille avait besoin d'argent, et voilà comment je les aide. En le dépensant encore plus vite que le reste. Je suis accro. La drogue, la dope et tout autre nom qu'on peut y donner. Ma vie n'a jamais été simple, je l'ai rendue encore plus compliqué. Bien sûr, lorsque je prend ma dose, je plane et j'ai l'impression que tout va bien. Est-ce que ça veut dire, pour autant, que c'était la seule solution qui s'offrait à moi ? Non, bien sûr que non. Et chaque matin, j'en viens à me dire que je me déteste plus que je ne pourrais jamais. Cela ne fait que quelques semaines, mais je ne mange plus, je ne fais que ça et je sais que c'est la pire chose qu'il puisse m'être donnée de faire. Avec le temps, tout va empirait, je le sais. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix.

J'ai besoin de ma dose, là, maintenant. Et Axel n'est pas là. Je ressens déjà les marques du manque et ça me trouble. Ma vu se brouille, je ne me sens pas bien. J'ai des crampes dans l'estomac et je ne marche pas droit. Il n'est pas là ? Très bien, je me mets à retourner son appartement, je fouille, dans chaque recoin, je cherche une possibilité mais il n'y a rien, rien non. Et je vais finir par péter un plomb, j'imagine. Bien que ce ne soit pas comme ça que je vais finir par trouver quelque chose, j'imagine. Je finis par trouver quelque chose. Et je suis emballée, forcément, parce que j'ai trouvé beaucoup. Je me mets à rire, je sautille sur place et je n'attends pas bien longtemps pour me mettre en condition et pour prendre ma dose. Enfin.. Ma dose... Finalement, j'ai pris un peu trop sans doute. Je me mets à planer d'un seul coup, un peu trop vite, un peu trop fort.. Et je finis par m'effondrer sur le sol.

Je vis ma première overdose, celle qui manquera de m'ôter la vie pour de bon. Les médecins devront me réanimer, deux fois. C'est Axel qui m'a trouvé, il m'apportait le petit déjeuner, au final, il était tombé amoureux de moi, pour une raison qui m'est encore inconnue. Un sentiment non partagé, je n'étais avec lui... Que pour la drogue. J'étais tombée dedans, à cause de lui. J'imagine.. Que les choses ne se sont pas arrangées, avec le temps. Sur mon lit d'hôpital, les médecins ont refusé de me laisser sortir. Ils disaient que c'était pour mon bien. Je savais que c'était vrai. Est-ce que ça voulait dire que c'était facile, pour moi ?  

« CE SOIR-LA, J'AI DECOUVERT QUE LA PLUPART DES ETRES QU'ON PENSE MECHANTS OU MALFAISANTS SONT TOUT SIMPLEMENT TRES SEULS... ET MANQUENT DE SAVOIR VIVRE. »

Je n'ai plus touché à la drogue depuis.. Quatre ans. Mais encore maintenant, à l'approche d'une aiguille, je me sens étrange. Je n'en quitte plus une, j'en garde toujours une sur moi. Non pas par tentation, c'est une histoire qui est bel et bien terminée pour moi, et je refuse d'avoir à y penser, une nouvelle fois. De toute façon, je sais que ce serait la pire des choses à faire. Et oui, je refuse d'avoir à y réfléchir. Pourquoi le ferais-je hein ? Je sais que les choses ne sont pas trop simples, mais je sais aussi que c'est comme ça, quoi que l'on en dise. Je ne veux jamais avoir à oublier mon passé, ce qu'a été ma vie, pendant un temps. J'ai fini par tirer un trait sur tout ça. Mais ce n'est pas tout. J'ai surtout.. Fini par grandir et devenir adulte. Mes parents sont revenus vers moi, ou plutôt.. Je suis allée chez eux, j'avais besoin d'un toit et quand ils ont vu que j'en avais fini avec mes conneries, ils m'ont simplement ouvert les bras. Et je suppose que ce n'est.. Tout de même pas négligeable, non ? Je reprenais ma vie en main. Lorsque les choses sont arrivés. Et ça, disons que ça rend tout beaucoup plus compliqué, de toute manière. Quoi que l'on en dise. J'ai repris mes études, j'ai une vie normal et j'en suis vraiment fière parce que.. Mine de rien, bien que ce soit une chose que j'ai pu choisir, je reviens de loin. J'aurais pu mourir, ce jour-là, par exemple.

Je n'ai jamais eu autant envie de replonger qu'aujourd'hui. Tout est.. Si bizarre. Je rentrais chez moi après mes cours, quand j'ai vu une femme se faire dévorer. Non pas par un chien, ou une meute ou quelque chose. Par une autre personne. Sur le coup, je n'ai pas compris, je me suis contentée de regarder, interdite, hébétée par la situation aussi. Je ne savais pas quoi faire, encore moins comment réagir. Surtout lorsque l'on considère le fait que cela ne soit pas.. évident quoi. Parce que bon.. Il n'est quand même pas négligeable de se dire que le cannibalisme ne soit pas logique. Pas logique du tout, en fin de compte. Lorsque.. Cet homme ou en tout cas, cette chose, en a eu terminé, j'étais toujours là, à le fixer, sans comprendre ce qu'il pouvait bien se passer. Je n'avais.. Même pas envie de comprendre, en fin de compte. Il a levé la tête, il était.. Défiguré. Mort, au final, il était impossible qu'il marche. La moitié de son visage avait été.. Arrachée. Il s'est mis à tituber, dans ma direction. Et je suis partie. En courant.

J'ai réalisé que le monde était comme ça. Que, c'était le chaos, la fin du monde. Je ne suis pas rentrée chez moi, je ne voulais pas trouver mes parents comme ça, ou mort. Je ne l'aurais pas supporté. J'ai tracé mon chemin, et j'ai couru, marché, une éternité. Je ne sais plus très bien comment j'ai atterri à Grimsby. Mais.. Heureusement que j'y suis, au final. Seule, je n'aurais pas vraiment été en mesure de me débrouiller. Bien sûr, quand on prend de la drogue, quand on deal, on apprend à se servir d'une arme et à viser. Mais ça ne veut absolument pas dire que l'on est une machine de guerre. J'ai besoin d'être entourée, j'ai besoin.. D'aide, si je puis dire.

Dernière édition par S. Billie Spencer le Sam 17 Aoû - 11:24, édité 3 fois